ven 29/07/2022 - 16:30

Le 16 et 17 juillet a eu lieu le La Tour Genève Triathlon. Pour cette 32ème édition, Switzerland for UNHCR a eu le plaisir d’être à nouveau le partenaire caritatif de cet événement où plus de 3'150 personnes ont nagé, pédalé et couru sous le signe de la solidarité avec les personnes forcées de fuir à travers le monde. Afin de souligner cet engagement, le La Tour Genève Triathlon a invité une nouvelle marraine à cet événement : Masomah Ali Zada. Nous avons profité de sa présence pour lui poser quelques questions sur son parcours, et le message que transmet sa venue. 

Masomah Ali Zada, qui êtes-vous ?

Je m’appelle Masomah Ali Zada, j’ai 25 ans, je viens d’Afghanistan et ai participé aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 avec l’équipe réfugiée dans la discipline du cyclisme. 

Aujourd’hui, j’habite en France, où je suis étudiante en 3ème année de licence. L’année prochaine, je commencerai mon master. 

Quand avez-vous découvert votre passion pour le vélo ? 

Quand j’étais en Afghanistan, je pratiquais différents sports, mais ai toujours voulu quelque chose de différent. Quand j’ai essayé le vélo pour la première fois, j’ai vu la différence entre les sports qui se pratiquaient à l’intérieur et ceux à l’air libre, où on est exposé au regard des gens.  

Pour la plupart, c’était très nouveau. Parmi les réactions reçues, il y avait ceux qui nous acceptaient, et ceux pour qui voir une femme sur un vélo était inacceptable. Certaines personnes voulaient nous arrêter, sous prétexte que nous étions contre la religion, et contre la culture alors que mon but était juste de normaliser le vélo comme sport pour les filles en Afghanistan. C’est devenu de plus en plus dangereux, ce qui a renforcé pour moi l’image du vélo comme symbole de liberté pour les femmes afghanes. 

Le vélo est devenu une réelle passion, et malgré le danger, j’ai décidé de continuer à en faire et d’être un bon exemple pour les autres femmes. Je souhaitais montrer qu’il n’y a aucun problème à ce qu’une femme fasse du vélo, et me suis fixé comme objectif de normaliser la vue d’une femme sur un vélo dans les rues à Kabul.

L’année passée, vous avez participé aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 avec l’équipe réfugiée. Comment décririez-vous cette expérience ? 

Participer aux Jeux Olympiques a pour moi toujours été un rêve, mais un rêve impossible. En plus des difficultés de sécurité liés à la pratique du vélo en Afghanistan, il y avait aussi un manque d’infrastructures qui ne me permettait pas de progresser. Même quand je suis arrivé en France, ce rêve me semblait toujours inatteignable, parce qu’en tant que réfugiée, il m’était impossible de représenter ou l’Afghanistan, ou la France. 

Le programme de l’équipe olympique réfugiée, m’a permis et a permis à pleins de réfugiés athlètes à travers le monde de pouvoir participer aux Jeux Olympiques, et je remercie vivement le comité international olympique pour cette opportunité.

Vous êtes marraine du La Tour Genève Triathlon. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? 

C’est la première fois que je suis la marraine d’un événement comme celui-ci, et c’est vraiment un grand honneur. Je n’ai jamais cru que je serai un jour marraine d’un grand événement, et je remercie les organisateurs et Switzerland for UNHCR de m’avoir invitée. Je crois qu’au-delà de ma passion pour le vélo, je représente ici aussi un symbole de liberté pour les femmes, et un message d’espoir pour les réfugiés à travers le monde. 

Masomah Ali Zada en discussion avec une collaboratrice de Switzerland for UNHCR. ©Switzerland for UNHCR
Masomah Ali Zada en discussion avec une collaboratrice de Switzerland for UNHCR. ©Switzerland for UNHCR
Vous êtes originaire d’Afghanistan. Quelle est votre relation au pays aujourd’hui? 

Je viens d’Afghanistan, et malgré tous les problèmes que nous y avons, notamment la discrimination contre les femmes, la guerre, l’insécurité, la crise économique et tous les problèmes qui se sont rajoutés avec l’arrivée des talibans au pouvoir, ça reste mon pays. Je suis née là-bas, et j’aime beaucoup ce pays. J’espère qu’un jour il y aura plus de libertés, notamment pour les femmes d’aller à l’école, de faire du sport, de travailler et de faire progresser la société. J’espère que toutes les femmes pourront faire valoir leurs droits fondamentaux, car tout le monde y a droit. 

J’ai toujours cet espoir dans mon cœur de pouvoir retourner dans mon pays une fois les talibans partis, dans un pays libre pour tout le monde, et sans guerres. 

Depuis 2017 en France, vous êtes également étudiante. Que vous voyez vous faire à l’avenir ? 

Je finis maintenant ma licence en génie civile, avec une spécialisation en génie urbain. 

Depuis que je suis arrivée, je n’ai pas cessé d’essayer de m’améliorer. Je pense que c’est de la responsabilité de tout le monde, et spécialement des réfugiés, de constamment s’améliorer, de ne rien lâcher et essayer au mieux de s’intégrer à la société- soit par les études, soit par le travail, ou encore par le sport. Il faut essayer de progresser et d’aider la société qui nous a aidé à être en sécurité. Les pays d’accueils nous ouvrent leurs portes et nous donnent énormément à un moment critique de notre vie, et c’est aussi de notre responsabilité de rendre au mieux ce qui nous a été donné.  

Sinon, je souhaite évidemment aussi participer aux Jeux Olympiques de Paris en 2024 ! 

Les réfugiés sont souvent victimes de stéréotypes, et font face à des idées reçues à leurs propos. En tant que réfugiée, quel message passeriez-vous aux populations des pays qui accueillent des réfugiés ? 

Je dirais qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Au départ, je suis arrivé dans un petit village où il n’y avait presque pas d’étrangers, et dans lequel nous étions les premiers réfugiés. Les habitants du village ont été extrêmement chaleureux avec nous, nous ont accueillis à bras ouverts et nous ont aidé pour des tâches administratives et les cours de français. 

Nous étions nouveaux, et étrangers, mais ils nous ont aidé. Certains avaient des aprioris vis-à-vis des réfugiés, et je pense que dans ces cas-là c’est aussi de notre responsabilité d’être efficaces pour la société, de montrer l’exemple, notre volonté de s’intégrer et de contribuer. 

Il faut comprendre qu’en tant que réfugiés, nous n’avons pas voulu aller dans un autre pays. Ce n’était pas notre choix de partir, nous avons été forcés. Si les gens voient l’effort que nous fournissons pour nous intégrer, ils nous accepteront. La responsabilité est donc aussi bien du côté de la communauté hôte, que de celui des réfugiés. 

Le monde va progresser si l’on accepte les autres, et si on prend une attitude humaine les uns vis-à-vis des autres. Il faut accepter les différences, et être solidaire- pour moi, c’est ça qui fait notre humanité.