jeu 24/06/2021 - 16:00

L’un des objectifs à l’origine de la création de la Fondation suisse pour le HCR, Switzerland for UNHCR, est de sensibiliser la population suisse en faveur des personnes déracinées. Il y a quelques semaines, la Fondation a fêté sa première année d’existence, et même si le cœur n’est pas vraiment à célébrer, l’une des façons de marquer cette date a été de lancer une série d’articles visant à mettre en avant les acteurs locaux qui s’engagent en faveur des réfugiés : Les Engagés. Pour notre troisième article nous sommes partis à la rencontre de Keyvan Ghavami, cofondateur et directeur de la Fondation Act On Your Future.

Act On Your Future

Tout d’abord, présentez-nous Act On Your Future :

Act On Your Future est une fondation reconnue d’utilité publique créée en 2014 à Genève avec deux amis, Romain de Planta et Léna Menge. La Fondation a pour but de mobiliser différents acteurs de la société, les jeunes générations et notre entourage, autour des droits humains, ainsi que de sensibiliser les gens à cette thématique en proposant des projets locaux, concrets et innovants.
 
On souhaitait créer une structure qui nous ressemble, indépendante, et aussi inscrite dans le temps, d'où le choix d’une fondation. Ceci nous permet de nous engager à notre niveau, d’avoir notre propre plateforme de communication et de travailler avec des partenaires et des acteurs de renom installés dans la région.

Le travail de la Fondation s’inscrit dans une complémentarité au vaste réseau d’acteurs déjà présents à Genève et en Suisse. Le HCR et l’Hospice Général par exemple font un superbe travail au niveau global et local, et nous souhaitions inscrire nos efforts de manière à amener quelque chose de plus à leur action, toucher un public plus large, et rendre les problématiques actuelles concernant les droits humains et l’asile plus tangibles à tout un chacun.

Quels sont les projets de la Fondation ?

Les activités de Act On Your Future se concentrent autour de trois projets principaux.

Chaque année, nous remettons un prix scolaire avec des écoles privées de la région genevoise, permettant à leurs élèves d’écrire un travail de maturité en lien avec les droits humains. Les gagnants de ce concours bénéficient d’un stage professionnel chez Human Right Watch, une ONG de renom active dans ce domaine.

Nous décernons également le Prix de photographie des droits humains. Ce concours a lieu chaque année et s’adresse aux étudiants et jeunes diplômés de prestigieuses écoles d’art européennes qui sont invités à soumettre un travail traitant d’une thématique liée aux droits humains. Les écoles partenaires sont : l’ECAL, la HEAD-Genève, l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, le Royal College of Art de Londres, la HGB de Leipzig, et l’Université d’Aalto. Le but est de sensibiliser le public à des enjeux d’actualité sociale et politique, et notamment ceux liés à la crise migratoire, grâce au pouvoir de l’image comme vecteur de changement. Donner la chance à de jeunes artistes de prendre part à ce projet leur permet non seulement d’exercer leurs talents, mais aussi de toucher un public différent et plus large, étant donné la transversalité de cet art. Les photos sont ensuite exposées au Centre de la Photographie Genève (CPG). Le vernissage de l’exposition est aussi l’occasion de remettre un prix au lauréat : un budget de 10’000 CHF pour développer le projet primé.

Keyvan Ghavami, co-fondateur de Act On Your Future lors du vernissage du prix de photographie des droits humains.
Keyvan Ghavami, co-fondateur de Act On Your Future lors du vernissage du prix de photographie des droits humains.

Nous organisons finalement des actions de médiation culturelle, dont des ateliers audiovisuels pour des réfugiés et requérants d’asile hébergés dans des foyers d’accueil en Suisse romande. Il s’agit tout d’abord de leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences professionnelles, mais aussi de donner la parole aux premiers concernés par les récits migratoires : les exilés. Leur fournir les outils pour raconter leurs expériences et leurs parcours avec leurs propres mots est une nécessité. Cela contribue à changer le discours et les regards sur les thématiques migratoires. À la suite de ces ateliers, des réfugiés ont notamment réalisé, en binôme avec des professionnels de la région, une série de court-métrages qui ont été présentés au FIFDH en 2018 à Genève. Nous avons aussi produit un livre de photos avec des jeunes mineurs non-accompagnés du Centre Étoile-La Praille, en utilisant la photo, à nouveau comme langage universel, pour porter un regard différent sur leurs conditions d’accueil et ainsi faciliter leur intégration. 

Pourquoi cette forme d’engagement ?

Les images comblent un certain vide. Elles vont au-delà des barrières linguistiques et des frontières physiques. L’image comme vecteur d’un message est un outil de communication extrêmement puissant. Par exemple, l’image que l’on a des institutions internationales à Genève est multiple et très différente selon les personnes : des activités qui sont parfois très éloignées des préoccupations des Genevois, ou des enjeux compliqués à résoudre. Cela donne un peu l’impression qu’il y a une forme de cassure entre ceux qui s’engagent au sein de la société civile et ceux dont c’est le métier. Par l’image, on peut vulgariser l’enjeu, amener le public par l’émotion à se sentir concerné, et l’encourager à agir. L’artiste, à travers sa sensibilité et son regard, utilise son propre langage pour transmettre un message fort, parfois dur, souvent porteur d’espoir.

C’est de ce constat qu’est aussi parti le projet de photos avec les mineurs non-accompagnés. Au fond, la première chose que tous ces jeunes ont, c’est un téléphone portable. Utiliser cet appareil permet de raconter leur récit à travers des outils de communications qu’ils connaissent déjà et que nous utilisons tous.
 
Racontez-nous votre engagement au sein de la Fondation

Mon expérience chez Human Right Watch en tant que stagiaire à 23 ans, où j’ai été exposé au travail formidable de cette ONG, a été déterminante. Voir des gens littéralement risquer leur vie pour cette cause m’a inspiré à m’engager. Il était important pour moi de ramener ces grands thèmes chez nous en Suisse, dans un milieu privilégié, où on se sent parfois déconnecté de ces enjeux. Je n’avais pas envie d’attendre d’avoir 45 ou 60 ans, d’être un professionnel accompli pour m’engager et faire quelque chose à mon niveau. 

Sélection de photos lors d'ateliers audio-visuels au centre Étoile-La Praille.
Sélection de photos lors d'ateliers audio-visuels au centre Étoile-La Praille.

Pourquoi vous engagez-vous ?

Ce sont des thèmes essentiels, trop essentiels pour ne pas s’en préoccuper. C’est trop facile de se dire que ça n’arrive que loin de chez soi, que ça ne nous regarde pas, de se dire que les réfugiés ne sont qu’au Liban, au Bangladesh, ou dans d’autres pays en Afrique et que ce n’est pas une réalité locale, une thématique qui nous affecte. Il est important de mettre ce sujet au centre de nos préoccupations, car d’une certaine manière nos pays sont aussi responsables de leur situation de par les relations Nord-Sud, mais surtout, nous sommes responsables des solutions que nous pouvons proposer pour faciliter leur accueil au sein de nos sociétés. Si nous ne montrons pas l’exemple, et nous ne prenons pas nos responsabilités, alors qui le fera ? C’est un travail de longue haleine, et il est nécessaire de combiner les approches, locales et globales, de plusieurs acteurs afin d’y arriver.
 
À titre personnel également, j’ai toujours eu du plaisir et un besoin de mobiliser les gens autour de moi sur des thèmes qui me tiennent à cœur. Si au centre de l’engagement se trouve la cause qui nous est chère, il est important que l’engagement et la forme qu’il prend nous correspondent. On pense que si c’est évident pour soi, ce sera évident pour les autres mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut savoir persévérer et ne pas perdre espoir malgré les difficultés rencontrées. Car au fur et à mesure que l’on porte à terme des projets solides avec des approches originales, qu’on parvient à mobiliser différents acteurs de la société autour des droits fondamentaux, c’est une grande satisfaction de voir le potentiel transformateur de cet engagement autour de soi.

Un conseil à ceux qui souhaiteraient s’engager ?

L’engagement peut prendre différentes formes, il n’y a pas une unique manière de le faire. L’engagement part de soi, il faut donc qu’il corresponde à la personne qui s’engage, à ses principes et valeurs, à ses centres d’intérêt. Il y a plein de sujets qui méritent que l’on se mobilise, qu'il s’agisse de petites ou grandes thématiques, locales ou globales. L’engagement devrait commencer tôt, et ne devrait pas avoir de contraintes financières. Je souhaite montrer que nous avons tous quelque chose à dire et que nous pouvons tous agir pour entreprendre un changement et faire une différence.