AWAS

Homayra : AWAS signifie "la voix" en farsi, et est aussi un acronyme pour Afghan Women Association in Switzerland. Nous sommes toutes les trois les fondatrices.  

Khaleda : L'idée initiale est née lorsque les talibans sont revenus en Afghanistan. Au début, nous avons toutes aidé individuellement. Puis nous avons eu l'idée de travailler ensemble pour faire quelque chose de bien pour les femmes en Afghanistan et en Suisse, pour devenir un point de contact lorsqu'elles ont besoin d'aide.   

Que ce soit pour le social, le financier ou l'administratif, nous voulons contribuer à l'intégration des femmes afghanes ici en Suisse. Ce que nous avons aussi beaucoup fait maintenant, c'est envoyer de l'aide financière directement en Afghanistan.

K : Ma sœur et moi n'avons pas d'expérience directe de la guerre - nous étions très jeunes lorsque nous avons fui en Suisse. Mais nous avons beaucoup de parents en Afghanistan, et un réseau d'activistes et d'avocats. C'est pourquoi nous sommes proches de ce qui se passe en Afghanistan. Beaucoup de femmes ont peur pour leur vie parce qu'elles travaillent.

H : Nous voulons aussi aider les femmes afghanes ici, parce que nous avons aussi vécu cette expérience personnellement. Lorsque nous avons fui vers la Suisse, il y avait très peu d'Afghanes et d'Afghans qui pouvaient nous aider à nous débrouiller avec les questions administratives ou la formation. C'est donc très naturellement que nous avons eu l'idée d'aider ici aussi.  

Maryam : Notre travail porte en premier lieu sur les thèmes de l'intégration, du travail et de la formation en Suisse. Lorsqu'une femme arrive d'Afghanistan en tant que réfugiée, elle a souvent besoin d'aide en raison de la barrière de la langue - que ce soit pour travailler ou pour étudier. C'est là que nous voulons bien sûr la soutenir.  

K : On reçoit souvent peu d'informations sur le fonctionnement des choses en Suisse. On ne connaît pas le système, comment cela fonctionne avec les impôts, l'école, la santé, la caisse maladie et ainsi de suite, et c'est là que nous voulons faire plus à l'avenir, aller directement dans les foyers de réfugiés et leur donner ces informations.  

M : Dans la mesure du possible, nous aidons aussi financièrement les personnes qui ne peuvent pas se permettre des études par exemple. Il y a beaucoup d'associations afghanes en Suisse, mais pas d'associations de femmes afghanes, et c'est là que nous voulons faire une différence.  

En Afghanistan, la pauvreté est actuellement extrêmement grande. Pour l'instant, nous y apportons donc surtout une aide financière. Nous avons par exemple vendu des plats afghans ici et envoyé l'argent récolté là-bas. Nous avons bien sûr des projets plus ambitieux, mais pour l'instant, c'est le plus urgent.  

H : La situation en Afghanistan s'est clairement détériorée. Au début, nous avions encore un peu d'espoir, peut-être que la prise de contrôle serait différente de celle des années 90, peut-être que les femmes pourraient continuer à travailler, à faire valoir leurs droits et à aller à l'école. Les talibans l'avaient d'ailleurs promis. Un an plus tard, nous savons que cela ne correspond pas à la vérité. La pauvreté a également augmenté et les attentats se poursuivent. La situation a empiré.  

K : Beaucoup disent qu'au moins il n'y a plus de guerre et que la situation sécuritaire s'est améliorée. C'est peut-être vrai, mais cela ne devrait pas être une base pour vivre et sur laquelle nous devrions éduquer nos enfants et les générations à venir. Le fait que les talibans soient au pouvoir concerne bien sûr très fortement les femmes en Afghanistan. Mais il s'agit de bien plus que cela, du patrimoine culturel du pays, puisque la musique, l'art et autres sont interdits. La liberté d'expression et des médias n'existe pas. Donc l'absence de guerre ne signifie pas qu'il faut se satisfaire de la situation.   

M : Pour moi, la fondation en décembre était quelque chose de spécial. L'idée est venue plus tôt et on a beaucoup discuté de la forme que devait prendre l'association. Le 16 décembre, nous avons réussi à la mettre sur pied.  

H : Les images que nous recevons d'Afghanistan lorsque nous apportons de l'aide à certaines femmes sont quelque chose de spécial. Elles ne savent pas toutes qui nous sommes, mais elles sont heureuses de recevoir cette aide.  

K : Je suis d'accord. Il y a quelques jours, nous avons reçu des photos d'une toute petite province, loin de Kaboul, où nous avons envoyé de l'argent. Voir que notre aide atteint ces gens donne du courage pour continuer. C'est pour cela que nous faisons cela.  

De très grands projets !  

K : Nous ne voulons pas seulement organiser des manifestations pour envoyer de l'argent en Afghanistan. Nos programmes d'intégration ici en Suisse peuvent aussi être étendus. Nous voulons aussi rendre la culture afghane plus accessible aux gens ici, pour qu'ils voient aussi quel est l'héritage qui doit être transmis. Nous souhaitons également mettre à disposition des cours de farsi et de dari pour les enfants, et globalement plus d'endroits où il peut y avoir un échange culturel entre les Suisses et les Afghans.  

M : Comme je l'ai dit, la culture est en danger en Afghanistan. La culture se meurt, notre histoire ne peut plus être racontée et elle ne doit pas être oubliée.  

H : En Afghanistan, nous voulons aussi construire quelque chose : pas seulement envoyer de l'argent, mais donner aux femmes sur place la possibilité de se financer elles-mêmes. Nous travaillons sur un projet de couture pour qu'un cycle autonome puisse voir le jour là-bas.  

H : Nous nous engageons pour les réfugiés parce que nous avons nous-mêmes été des réfugiés. Nous savons ce que c'est que d'arriver dans un pays dont on ne connaît pas la langue, la culture ou la religion. Ces femmes qui fuient l'Afghanistan ne connaissent rien d'autre que la guerre. Elles n'ont pas eu le privilège, comme notre mère ou notre grand-mère, de connaître un autre Afghanistan, et c'est pourquoi il est d'autant plus important que nous soyons à leurs côtés et que nous les aidions ici.  

K : Il y a un an, nous avons reçu beaucoup de demandes sympathiques de personnes qui voulaient savoir comment aider les gens ici et là-bas. Beaucoup veulent aider, mais ne savent pas comment ni où, et pour cela nous avons créé un site Internet spécifique où les gens qui veulent s'engager peuvent indiquer ce qu'ils peuvent faire et combien de temps ils peuvent consacrer. Il ne s'agit pas seulement d'envoyer de l'argent en Afghanistan, il y a de nombreuses façons d'aider.  

H : Ce que l'on peut faire, c'est traiter tous les réfugiés de la même manière. Ce n'est pas toujours le cas, et nous avons vu récemment comment les réfugiés de certains pays sont traités en priorité. Il faut donner aux Afghans les mêmes chances qu'aux victimes de guerre européennes, par exemple. Il faut que tous aient le même accès à la liberté de mouvement, à l'éducation et au travail.  

K : Nous avons toutes les trois notre vie privée, nous sommes en partie mères, et nous faisons tout cela purement sur notre temps libre, et de notre propre initiative. Nous ne recevons aucune aide de l'État, mais nous avons une équipe de femmes qui s'engagent bénévolement pour cette cause d'utilité publique.