ven 20/08/2021 - 09:00

L’un des objectifs à l’origine de la création de la Fondation suisse pour le HCR, Switzerland for UNHCR, est de sensibiliser la population suisse en faveur des personnes déracinées. Il y a quelques mois, la Fondation a fêté sa première année d’existence, et même si le cœur n’est pas vraiment à célébrer, l’une des façons de marquer cette date a été de lancer une série d’articles visant à mettre en avant les acteurs locaux qui s’engagent en faveur des réfugiés : Les Engagés. Pour notre cinquième article nous sommes partis à la rencontre d’Elody de Brito, Responsable du Bureau genevois de SINGA Suisse, une association qui vise à soutenir les personnes issues de la migration, notamment les personnes réfugiées, dans le développement de leurs projets entrepreneuriaux.

SINGA Suisse

Présentez-nous SINGA Suisse:

SINGA est une association à but non lucratif qui a au départ été créée en 2012 à Paris. Aujourd’hui nous sommes présents dans 7 pays et plus de 20 villes. SINGA Suisse a été fondée à Zurich en 2016 et s’est étendue à Genève en 2018. L’association soutient les personnes issues de l’asile et de la migration qui souhaitent créer leur entreprise en Suisse.

A quoi peuvent s’attendre les bénéficiaires de vos projets ?

Nos activités ont pour but de rendre l’entrepreneuriat inclusif. Nous offrons aux SINGApreneurs, nous appelons ainsi ceux qui participent à nos programmes, un accès à un réseau local d’experts et les connaissances qui leur permettent de développer leurs idées. Nous leur apportons aussi la confiance nécessaire pour se lancer.

Dans un premier temps, les participants ont accès au SINGA ideation lab, une étape dont le but est de tester les idées proposées par les entrepreneurs, les confronter à la réalité du marché suisse et les rendre plus concrètes.

Ensuite, les SINGApreneurs qui ont vu leur projet sélectionné entrent dans une deuxième phase qui dure 4 mois : la SINGA factory. Ici, on prépare le lancement de l’activité, et on entre déjà plus dans les aspects techniques de la solution : la communication, l’offre, le marketing, les partenariats et les aspects légaux, par exemple. Cette étape vise à lancer un premier prototype. Tous les SINGApreneurs se voient attribuer un mentor issu du secteur privé ou de l’entreprenariat. Ce dernier les suit  tout au long de leur développement, mettant ainsi à profit leur expertise. Cela permet également aux participants d’avoir à leur disposition une oreille experte et attentive, un soutien dans les moments de prise de décisions, et des contacts leur permettant d’élargir leur réseau en Suisse.

Ces deux phases durent au total six mois. En ce moment, nous suivons 12 entrepreneurs, et 8 d’entre eux finiront leur parcours en octobre cette année. Notre soutien ne s’arrête pas là: à travers le  SINGA business, les entrepreneurs qui arrivent au terme de nos programmes et qui ont fondé, ou sont sur le point de fonder leur entreprise, participent à des ateliers exclusifs, continuent leur programme de mentorat ou reçoivent des conseils en matière d’administration d’entreprise.     

Un des SINGApreneurs en plein workshop. ©James Geen
Un des SINGApreneurs en plein workshop. ©James Geen

Lors de votre phase de suivi, avec quels partenaires travaillez-vous le plus fréquemment?

Notre plus grande richesse, en plus de travailler avec des entrepreneurs passionnés, est notre réseau. Nous travaillons avec plus de 250 experts, et une vingtaine d’organisations aussi bien du secteur public que privé. Leur soutien peut se matérialiser sous la forme de mentorat, d’ateliers, ou à travers leurs réseaux. C’est donc un avantage formidable pour les SINGApreneurs de pouvoir compter sur ce cadre.

A Genève, nous sommes basés au sein de l’Impact Hub, au cœur d’un réseau innovant et dynamique. Parmi nos partenaires, nous comptons par exemple Deloitte Suisse, la fondetec, ou encore l’association découvrir qui soutient les femmes migrantes hautement qualifiées à Genève.

De plus, certaines institutions publiques comme l’Hospice Général comptent parmi nos partenaires depuis le début. On voit que dans de nombreux domaines, l’entrepreneuriat est de plus en plus vu comme une solution viable, et représente une possibilité de tester des idées, faire valoir des compétences et l’employabilité de personnes réfugiées ou migrantes. Les autorités communales aussi portent beaucoup d’intérêt à nos projets, conscientes de l’impact de ceux-ci.

Les programmes SINGA à Genève sont soutenus par de nombreuses fondations, notamment le fonds pionnier Migros.

D’où est venue l’idée de SINGA ?

Comme mentionné plus tôt, SINGA est un réseau international. Chaque association SINGA est indépendante, mais partage les mêmes valeurs et le même projet de société. Chacune d’entre elles s’adapte à sa réalité locale, tout en profitant de la richesse du réseau SINGA. Ce qui nous lie tous, c’est cette vision de créer une société inclusive qui montre la migration comme une opportunité et qui propose des solutions concrètes pour l’inclusion des personnes réfugiées. Notre réflexion, au départ, a donc été de voir quelle pourrait être notre valeur ajoutée en Suisse. En effet, il y a déjà beaucoup d’organisations à Genève très compétentes en termes d’entrepreneuriat, d’inclusion et de diversité. Néanmoins, nous avons remarqué que de nombreuses personnes résidant en Suisse en tant que réfugiées, ou issues de la migration, ont des compétences professionnelles importantes, parfois même une expérience entrepreneuriale à succès. Elles ont pleins d’idées et une grande motivation, mais font souvent face à beaucoup d’obstacles pour réaliser leurs projets.

De plus, ces personnes portent un regard nouveau sur le paysage entrepreneurial suisse, et voient des réponses à des besoins non adressés. Soutenir et matérialiser ces idées sont, à notre avis, une chance pour l’économie suisse et nous nous engageons à valoriser leurs idées.
         
Quels sont vos futurs projets ?

Nous sommes actuellement en train de développer un outil en ligne, disponible gratuitement pour toutes les organisations qui souhaiteraient répliquer nos programmes. SINGA est ainsi un pont entre le monde de l’accueil et celui de l’entrepreneuriat, et nous nous réjouissons que ce toolkit permette de créer des ponts supplémentaires et des discussions avec toutes les personnes engagées au quotidien pour l’inclusion professionnelle des personnes réfugiées et migrantes. Une première version du toolkit de SINGA est déjà disponible en ligne ici.      

Partages d'idées lors de workshops SINGA. ©Innes Welbourne
Partages d'idées lors de workshops SINGA. ©Innes Welbourne

Un souvenir en particulier ?

Récemment, nous avons soutenu Sadettin Karatas, un entrepreneur qui a développé un projet d’importation de fruits secs et à coque de haute qualité de Turquie en Suisse. L’idée de son entreprise lui est venue car lui-même avait de la peine à se procurer ces produits pour notamment en donner à ses enfants, à cause de leur coût élevé. Nous l’avons visité il y a peu dans son entrepôt, et c’était génial de voir comment cette idée s’est développée et concrétisée. Son quotidien a changé du tout au tout, et il a maintenant aussi reçu un financement de la fondetec. C’était un moment fort de voir le résultat de plus d’un an de travail.  

Pourquoi cet engagement ?

Ce qui me réjouit et me motive toujours à titre personnel, c’est que la mission de notre organisation apporte beaucoup de sens et d’humanité. Du côté des entrepreneurs, qui sont les premiers experts de leurs projets, ils rejoignent une communauté qui est à leurs côtés dans cette aventure et qui constitue un filet de sécurité. Du côté des facilitateurs d’ateliers, mentors et partenaires, ils sont extrêmement motivés à contribuer aux projets de nos SINGApreneurs en offrant leur expertise. La connaissance, une fois partagée, s’enrichit.

En Suisse, nous avons contribué à la création de 16 entreprises dans le secteur de la gastronomie, la technologie, le bien-être et la vente au détail. La plupart sont gérées par des femmes, souvent mères de familles, et on voit par conséquent un réel impact de ces projets sur les personnes et leur entourage. C’est un plaisir et un honneur de pouvoir soutenir cette mission au quotidien !

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent s’engager mais ne savent pas comment ?

L’engagement peut se faire à différents niveaux. Il est important de commencer avec ce que l’on a, ce que l’on connaît : partir de ses compétences. Ensuite, il s’agit de s’entourer de gens motivés qui partagent les mêmes valeurs. Selon moi, se concentrer sur ce que l’on sait faire et s’entourer des bonnes personnes est la recette pour un engagement réussi. L’autre aspect est de prendre le temps de comprendre pourquoi et pour qui l’on souhaite s’engager, et de bien connaître son public cible dans le but de bien orienter son projet afin d’assurer son impact. Finalement, il s’agit d’être à la fois  conscient de ses propres limites, mais aussi et surtout d’avoir du plaisir. Have fun on the way!