L’un des objectifs à l’origine de la création de la Fondation suisse pour le HCR, Switzerland for UNHCR, est de sensibiliser la population suisse à la question des réfugiés. Quoi de mieux pour cela que de publier une série d’articles visant à mettre en avant les différentes initiatives et acteurs locaux qui s’engagent en faveur des réfugiés et des personnes issues de l’asile ? Les Engagés sont ces personnes comme vous et moi qui ont souhaité apporter une aide concrète aux personnes forcées de fuir et arrivées en Suisse. Pour notre dixième article, nous sommes partis à la rencontre de Annina Maria Largo, présidente de l’association SPORTEGRATION à Zurich.
SPORTEGRATION est une association fondée en 2016 qui réunit des personnes réfugiées et des locaux ici en Suisse. Nous utilisons le sport comme base et moyen pour une intégration durable des jeunes. Nous nous engageons en particulier pour l'égalité des chances, car tout le monde peut participer au sport, quelle que soit sa langue, son origine ou ses moyens financiers. Nous créons une plateforme de rencontre où les gens peuvent se rencontrer et apprendre les uns des autres.
L'accent est mis sur le sport. Nous avons toutes sortes d'entraînements et de sports et les utilisons pour que les gens puissent se rencontrer. En parallèle, nous avons un programme de partenariat où les gens sont mis en contact avec des locaux dans le cadre d'une rencontre en tête-à-tête, une sorte de mentorat/tandem selon les besoins. La troisième chose que nous avons, ce sont les cours scolaires, qui sont des cours de niveau assez basique en mathématiques, en informatique ou en anglais.
Comme sports, nous avons le football, le volley-ball, le basket-ball, différents entraînements de yoga, la danse, la boxe, le taekwondo, la capoeira, la natation, la course à pied et bien plus encore. Il y a deux façons différentes d'aborder les choses. La plupart du temps, nous agissons de manière très ciblée, nous planifions et faisons des recherches du mieux que nous pouvons, où sont les besoins, et comment ils se présentent. Il s'agit évidemment aussi de voir ce qui existe déjà et d'utiliser ces synergies. Notre objectif est bien sûr d'être là où il n'y a pas encore d'offre. L'autre approche est celle des personnes qui nous contactent et qui souhaitent s'engager, donner un cours ou quelque chose. Nous voyons alors comment cela peut s'intégrer, et souvent, cela fait par la suite partie de l'un de nos programmes.
Le sport n'est pas le seul moyen d'intégration, mais à notre avis, c'est certainement l'un des meilleurs et des plus simples : le sport est facile d'accès, tout le monde peut y participer; peu importe d'où tu viens, ta situation financière, ton statut, ton apparence ou autre. Tout le monde ne fait pas de sport, mais tout le monde sait ce que c'est et peut y participer d'une manière ou d'une autre. Quand il s'agit d'intégration des réfugiés, où il y a déjà beaucoup de jeunes et de très jeunes, nous pensons que c'est le moyen idéal. Bien sûr, on peut aussi rassembler les gens en cuisinant ensemble, en jouant de la musique ou en tricotant ensemble, mais pour la plupart des jeunes réfugiés, le sport reste le plus attrayant. Ils veulent se défouler.
Je pense qu'il est bien connu que le sport fait naître des sentiments de bonheur, même s'il est clair que l'on ressent parfois aussi de la colère et de la frustration, mais la plupart du temps, le sport rassemble. Le fait de persévérer ensemble, de transpirer et de poursuivre un objectif commun crée des expériences positives.
En ce qui me concerne, et c'est mon impression, nos expériences, nos histoires de réussite au niveau de l'intégration jouent un grand rôle. Quand nous voyons des gens qui ont commencé chez nous, qui ne parlaient presque pas allemand, qui n'allaient pas bien psychologiquement, on voit comment on peut aller aussi loin avec des moyens simples, comme offrir une plateforme comme la nôtre. Je dis toujours que les gens doivent finalement investir eux-mêmes leur énergie, ce sont les réfugiés, pas nous, qui accomplissent des choses, nous ne faisons que leur offrir cette plateforme. Ils méritent qu'on leur en donne au moins la possibilité, la chance de cet accès. Même les jours où l'on est très fatigué et où l'on a beaucoup à faire, on reçoit par exemple un appel de quelqu'un qui a trouvé une place d'apprentissage ou autre - et cela motive beaucoup.
D'un autre côté, il y a aussi des motivations négatives. La colère peut aussi être une motivation, et je suis toujours agacée par la manière dont on traite souvent les réfugiés et les demandeurs d'asile. Bien sûr, on ne peut pas tout arranger, mais à petite échelle, on peut déjà faire une différence. C'est pourquoi, à côté de ces expériences positives, il y a aussi cette colère contre les injustices qui me motive.
C'est difficile de ne retenir qu'un seul moment. Ici aussi, il y a des moments qui m'ont marqué, en positif comme en négatif. Les histoires de réussite sont toujours touchantes - il y a 2-3 jours, j'ai reçu un appel d'un ancien participant, un mineur que je n'avais pas vu depuis environ un an. Il m'a parlé de son apprentissage, et bien sûr, avec les responsabilités qui vont avec, il ne peut plus venir tous les jours à l'entraînement, mais c'est aussi pour une bonne raison ! Quand ils le peuvent, la plupart reviennent toujours de temps en temps - c'est plus qu'un sport, c'est un lieu familial. C'est dans ces moments-là que l'on se rend compte de l'utilité de ce que nous faisons.
Mais c'est aussi très marquant de voir ce que ces jeunes gens doivent endurer. Je ne parle pas seulement de tout ce qu'ils ont déjà dû vivre - la fuite, la peur, l'arrivée dans un nouveau pays. Mais la plupart du temps, lorsqu'ils arrivent, ils sont rapidement submergés par des difficultés et des obstacles. Il est frappant de voir comment ces personnes, malgré tout, ne perdent pas courage, continuent, font des efforts et sont déterminées à s'en sortir, à trouver un travail. Ils ne craquent pas, n'abandonnent pas, et apportent toujours une énergie positive, et c'est quelque chose de vraiment spécial.
Nous avons lancé un projet pilote à Berne en novembre - nous voulions commencer le premier entraînement plus tôt, mais c'était juste au moment où la première vague de COVID-19 a tout mis en suspens. Dans le canton de Zurich, nous voulons aussi multiplier les offres. Être réfugié dans une ville n'est pas facile, mais plus on s'éloigne de la ville, moins il y a d'offres pour participer gratuitement à de telles activités ou entraînements. Nous voulons donc continuer à nous rendre plus disponibles localement. Il s'agit toujours d'atteindre le plus de gens possible, mais il est aussi important de ne pas oublier ceux qui sont loin de tout.
J'ai également fait partie de ce groupe de personnes. En 2015-16, beaucoup de gens comme moi ont ressenti le besoin de faire quelque chose. J'ai fait des recherches et je suis tombée sur toutes sortes de choses, comme des groupes de tricot, mais je ne sais pas tricoter... Je n'ai pas tout de suite pensé à ce qui était le plus évident, car j'enseignais déjà des cours de sport depuis quelques années, et je pense que si l'on réfléchit à ce que l'on peut faire, on peut trouver un endroit où l'utiliser.
Tout le monde peut apporter sa contribution, que ce soit en aidant sur le plan administratif, en enseignant l'anglais ou autre chose. Comme on dit, " Essayer, vaut mieux qu'étudier ". Quand les gens nous contactent, je leur dis toujours que le plus simple est de venir voir si Sportegration est fait pour eux. Nous essayons aussi de nous occuper le plus possible de l'administratif - beaucoup de gens veulent donner des cours ou des classes de sport, mais n'ont pas de local ou pas le bon matériel. Nous essayons de faciliter les choses autant que possible. Nous sommes toujours à la recherche de bénévoles !