En 2022, on comptait 108,5 millions de personnes forcées de fuir dans monde. 41% d’entre elles ont moins de 18 ans. Alors que les enfants sont parmi les plus affectés par les situations de déplacement forcé, leurs récits ne sont pas souvent entendus. L’exposition Déflagrations s’intéresse justement à cela : donner une voix aux enfants victimes de situations de conflit et de déplacement forcé à travers leurs dessins. A la suite d’un événement co-organisé par Switzerland for UNHCR avec le Musée International de la Réforme, et le soutien de la République et Canton de Genève, nous avons posé quelques questions à Zérane Girardeau, fondatrice du projet Déflagrations et commissaire de l’exposition.
Nous avons besoin de récits, d’images et de leur force évocatrice, pour essayer d’approcher la réalité des violences vécues et inscrites dans les corps et les mémoires, tout comme la vie qui résiste, insiste… C’est une longue cohabitation avec beaucoup de dessins (de la Première Guerre mondiale à nous jours), tous réalisés par des enfants témoins et victimes des guerres et des crimes de masse, qui m’a convaincue d’un travail incontournable : participer à donner une place à ces images dispersées dans l’Histoire et rendre hommage au geste des enfants de raconter et créer encore – même après le chaos de la destruction, même après la vue des actes qui étaient dits interdits et criminels.
Les enfants sont partout dans les villes en guerre, les villages pillés et massacrés, les hôpitaux bombardés, les déplacements forcés… quels sont leurs récits, leurs mémoires, leurs peurs, leurs rêves ? Regardons leurs dessins, ces inscriptions qu’ils ont laissées dans l’Histoire quels que soient les temps, les cultures et les territoires. Reconnaître leurs expériences et leurs mémoires à part entière, n’est-ce pas simplement ce que nous leur devons ? Le projet Déflagrations œuvre donc à la mise en lumière de leurs dessins et à leur transmission.
Première organisation internationale aux côtés de ce projet dès 2014, le HCR en France a sensibilisé plusieurs équipes à ce travail d’identification de dessins d’enfants, notamment au Bangladesh, à Genève, en Grèce, en Libye, au Soudan du Sud, au Tchad, au Yémen. Ce sont des confiances tissées sur un temps long et une belle chaine de mobilisations autour de Déflagrations qui ont ainsi permis d’identifier, de documenter et protéger certains récits dessinés avec un objectif commun : les montrer et les transmettre, en protégeant toujours leurs auteurs. Derrière chaque dessin, chaque histoire d’un enfant, il y a donc toute une équipe et beaucoup d’implication jusque dans les camps de personnes déplacées internes ou réfugiées. Le projet conserve toute cette mémoire.
Plutôt qu’un message, j’aime penser à ces mots laissés par l’écrivaine Linda Lê, longtemps associée à Déflagrations, « face aux ténèbres, [les enfants] éclairent d’une autre lumière un monde déboussolé ». Leurs dessins sont des papiers de résistance. Des gestes de vie contre la destruction et l’effacement. Des avertissements aussi, sans cesse rappelés à nos yeux.
L’exposition Déflagrations est présentée au MIR (Musée International de la Réforme) jusqu’au 27 août encore.