En tant que partenaire caritatif du Zurich Film Festival (ZFF), Switzerland for UNHCR a eu le privilège d’organiser une table ronde le 10 octobre 2024. Celle-ci a eu lieu juste après la projection du documentaire « Sudan – Remember Us » de la réalisatrice française Hind Meddeb au cinéma Frame, qui affichait complet. Meddeb a également participé à la table ronde, aux côtés d’el-Wathig el-Gozoli de la Sudanese Swiss Charity et de Petros Mastakas, responsable des solutions durables au HCR.
« Sudan – Remember Us » montre de manière impressionnante à quelle vitesse l’espoir peut se transformer en désespoir. Il y montre l’histoire de Hind Meddeb, qui était à Khartoum en 2019 et qui a vécu de près la chute du dictateur de longue date Omar Al-Bashir. Elle a accompagné avec sa caméra de jeunes activistes qui militaient de manière pacifique pour un gouvernement civil, avec des manifestations assises (sit-in), de la musique, des poèmes et des images. Mais leur espoir d’un nouveau Soudan s’est rapidement estompé lorsque l’armée a réprimé le mouvement par la force… L’année dernière, une guerre a éclaté au Soudan. Plus de 11 millions de personnes ont déjà été déplacées : il s’agit de la plus grande catastrophe humanitaire mondiale actuelle. Tous les protagonistes du documentaire ont dû fuir à l’étranger.
Cependant, Hind Meddeb ne le voit pas comme une défaite : « Ce que les Soudanais et les Soudanaises ont créé pendant la révolution est toujours présent. », a-t-elle déclaré à la table ronde. Ce qu’elle a vécu à Khartoum l’a énormément inspirée et lui a redonné de l’énergie. Les gens avaient besoin de s’exprimer. Au départ, elle était au Soudan à titre privé, mais elle a commencé à filmer les gens parce qu’ils le souhaitaient. Lorsque l’armée a finalement réprimé la révolution, le chaos a éclaté : « J’ai dû retrouver mes protagonistes, je ne savais pas qui était encore en vie. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé : je dois faire un film ! » Et bien sûr, elle espérait que le film se terminerait par des élections libres et non par une guerre. Mais elle avait aussi de bonnes nouvelles : elle est toujours en contact avec toutes les personnes présentées dans son film et elles ont même toutes été invitées ensemble au festival du film de Doha.
El-Wathig el-Gozoli est Soudanais et vit en Suisse. Avec d’autres, il a fondé la Sudanese Swiss Charity. Le groupe sensibilise la population suisse à la situation au Soudan et collecte des fonds pour aider les gens sur place : « Nous avons fait un don au HCR parce que nous voulons être sûrs que l’argent atteigne vraiment les personnes qui en ont besoin », a-t-il affirmé. Le film de Hind Meddeb l’a rendu triste, mais il a été très impressionné par la détermination de ces jeunes Soudanais et Soudanaises. Ils ne se battent pas seulement pour eux-mêmes, mais pour les générations futures.Pour eux, une nouvelle dictature n’est pas une option. Le père et les deux sœurs d’el-Wathig el-Gozoli ont fui en Égypte. Il a encore des parents et des amis au Soudan : « La situation est vraiment terrible. Les gens là-bas ne peuvent faire confiance à personne, personne ne sait vraiment qui combat qui. Vous ne pouvez même plus être sûr que la police vous aidera. Il y a tellement de criminalité, de violence; les femmes sont violées. Tout ce que vous pouvez imaginer de pire se passe actuellement au Soudan. »
Petros Mastakas confirme ce que el-Wathig el-Gozoli a partagé. Petros Mastakas travaille depuis 25 ans pour les personnes déplacées. Il a été envoyé au Tchad pour trois mois à la fin de l’année dernière, où il a accueilli des réfugiés soudanais dans la ville frontalière d’Adré. La population d’Adré a décuplé en quelques semaines, raconte-t-il : « Imaginez : vous vous réveillez et soudain, des dizaines de milliers de personnes campent dans vos rues, écoles, places et mosquées. C’était la réalité de cette situation d’urgence humanitaire. D’abord, les habitants ont aidé les personnes réfugiées, leur ont donné de l’eau, les ont accueillies dans leurs maisons et les ont emmenées chez les médecins. » Ce n’est qu’ensuite que la communauté internationale, incluant le HCR et d’autres organisations, a pu intensifier l’aide d’urgence. L’eau est une denrée rare au Tchad et la population est très pauvre. Pourtant, elle a soutenu les réfugiés soudanais du mieux qu’elle pouvait. « Comment cela se passerait-il dans notre société ? », a demandé Petros Mastakas au public. De nombreux spectateurs ont hoché la tête en imaginant une telle situation. Trois millions de Soudanais et Soudanaises ont déjà franchi la frontière à la recherche de sécurité et 8 millions d’autres ont été déplacés à l’intérieur de leur pays. Ils ont dû tout abandonner, ont été attaqués en fuyant et certains ont été agressés sexuellement. Petros Mastakas s’est encore adressé au public : « S’il vous plaît, levez-vous avec moi et je vais compter jusqu’à trois. Saisissez l’objet le plus proche ou la personne à côté de vous pendant ce temps. » Les spectateurs ont attrapé leurs sacs, téléphones portables, bouteilles d’eau, les mains de leurs proches. « C’est ce qui arrive aux gens qui doivent fuir lorsque des bombes leur tombent sur la tête. Ils prennent ce qu’ils ont à côté d’eux et courent. »
Lors de la table ronde au cinéma Frame de Zurich, il a également été question du manque de fonds du HCR, l’organisation des Nations Unies pour les réfugiés, pour aider les personnes déplacées par ce conflit comme il le faudrait. « Seulement un quart du budget nécessaire est assuré », a expliqué Petros Mastakas, responsable des solutions durables au HCR : « Nous avons un besoin urgent de dons. Sans ces dons, il est impossible d’aider. Mais ce n’est pas seulement l’argent qui fait la différence. Il est tout aussi important d’ouvrir son cœur aux personnes déplacées du Soudan et de surmonter nos craintes irrationnelles. Ces personnes sont des victimes de la guerre. Elles n’apportent pas la guerre avec elles, elles la fuient. »
La soirée s’est conclue par une avalanche de questions du public, des applaudissements nourris et un sentiment d’espoir palpable. La réalisatrice Hind Meddeb en est convaincue : « Les Soudanais et les Soudanaises sont prêts à revenir et à reconstruire leur pays. Cette guerre ne peut pas durer éternellement. » El-Wathig el-Gozoli de la Sudanese Swiss Charity a approuvé : « Je suis persuadé que ces individus dévoués finiront par réaliser leurs aspirations. »
Avec un don, vous soutenez ces personnes qui ont besoin d’aide d’urgence et nous vous en remercions grandement.
Retrouvez la table ronde complète du Zurich Film Festival ici.